Après une année heureuse passant par une création sous les ors de l'Opéra de Paris, le fidèle compagnon de la scène nationale revient sur le plateau de la grande salle pour créer Matri(k)is, avec dix superbes danseurs, pour déclarer sa flamme aux figures de la femme.



Au fil des ans et des créations, l'art d'Abou Lagraa a mélangé les genres et troublé les pistes pour nous faire partager une danse généreuse, ne délaissant jamais le sensible, l'immédiat, le frisson. Après le triptyque Où Transe tendu entre orient et occident, le couple et la solitude, les racines et l'avenir, le chorégraphe enfant d'Annonay et d'Algérie fait table rase pour se consacrer à cette veine qui courrait dans ses pièces sans jamais saillir : ce mystère sans cesse renouvelé de la féminité. Matri(k)is est un diptyque en hommage à la figure de la femme, mère, sainte et catin. Une première pièce réunit deux danseurs et une femme qui les observe. Un univers aquatique, matriciel, pour ces deux hommes organiquement unis par les liens du sang, frères jumeaux, s'incarnant dans les images liquides du vidéaste Dietmar Janeck. La seconde partie réunit une communauté de huit femmes liées, elles aussi, par une complicité forte et secrète. Ces figures féminines évoquent des couleurs distinctes, tel un bouquet de fleurs rouge de bleu. St Jean de La Croix disait que "la Fleur est l'image des vertus de l'Ame", elle est pour Abou Lagraa à l'image de l'homme, semblable et différente à la fois. Ces femmes abritent en leur sein une fleur noire. Cette réflexion est appuyée par un travail vidéo réalisé par le jeune artiste Gérald Groult. Une nouvelle chorégraphie comme le prolongement de la réflexion d'Abou Lagraa sur l'identité sexuelle, la figure du double, la dépossession, la solidarité féminine et la femme matricielle. Nous sommes certains que le talentueux chorégraphe donnera du génie à cette gynécée.